Ali Khadaoui : l'attachement viscéral à ses racines berbères
J’ouvre une parenthèse à Ali Khadaoui, qui a cœur de défendre son identité Berbère.
Ali Khadaoui a vu le jour vers 1953 d’après ses parents, dans le Moyen Atlas
(Maroc central), dans un coin où trône une montagne appelée « Ighoud » qui signifie « le beau » en Tamazight (langue berbère).
Le paysage est magnifique et il en est fier. Légendes et mythes ont habité son enfance. Les anciens avaient pour habitude de conter aux enfants toutes ces légendes.
La tradition et culture des berbères se transmettaient de manière orale.
Sa vie pastorale et paisible a été perturbée par sa scolarisation qui s’est déroulée avec deux langues imposées, l’arabe et le français. Cela a été pour Ali une rupture, ce n’était plus la douce langue maternelle de sa mère, de sa grand-mère. La langue avec laquelle il a été bercé, avec laquelle il a entendu ses premiers poèmes, avec laquelle il a été nourri.
Ali Khadaoui a trouvé refuge et force dans la poésie.
Il considère son premier recueil « Cèdres » comme un cri de déchirure, mais aussi un appel à l’espoir d’une vie meilleure pour les Berbères.
Son second recueil écrit dans les années 90, « Itto » nom issu du prénom de sa grand-mère, mais également choisi car il symbolise la femme dans la culture amazigh (berbère), et tous ses apports à la pérennisation du patrimoine culturel.
Ci -dessous quelques vers d’un poète traditionnel anonyme évoque la femme en particulier la mère :
Dans la culture berbère, la femme est à la fois : la mère, la terre, la femme, l’amante, la langue, la poésie, l’histoire, l’amour.
Le troisième recueil d’Ali Khadaoui se veut tel un hymne à un chant amazigh particulier au Moyen Atlas :
« Thamawayte », en langue berbère cela signifie :
« L’accompagnatrice ».
Il s’agit d’un poème de deux vers le plus souvent, interprété dans une mélodie longue et aiguë qui exprime la joie ou la douleur, qui sert également à transmettre un message d’amour.
Ce chant accompagne le berbère du Maroc en toutes circonstances de la vie.
Les cérémonies de danse collective « Ahidous » ont pour introduction cette mélodie que les femmes entonnent également lors des mariages et enterrements il n’y a pas si longtemps.
Ali Khadaoui le militant :
En 2001 : le Roi du Maroc fait un discours où il annonce la reconnaissance de la culture
berbère et l'engagement de l'Etat de l'enseigner, de la revaloriser en l'intégrant aux institutions du royaume, aussi bien au niveau de l’ enseignement, des médias, administration.
Ali Khadaoui fut parmi les militants nommés par le Roi pour siéger au Conseil d'Administration de l'IRCAM (Institut Royal de la Culture Amazigh) ; il fut en même temps détaché dans le même institut au Centre d'Anthropologie en tant que chargé de recherche.
En Février 2005 : il fait partie des sept membres du Conseil d'Administration, qui se sont retirés du dit Conseil pour protester contre la mauvaise volonté du gouvernement marocain à promouvoir et à intégrer l'amazighité dans les institutions du royaume comme cela est stipulé dans le dahir royal promulgué en 2001.
Il prit également une retraite anticipée afin de se consacrer entièrement à la défense des droits et de l’identité berbères.
Le 1er Janvier 2007 : avec le groupe des sept démissionnaires et d'autres militants, il crée « Option Amazigh ». Ce groupe élabore une plate-forme qui retrace les causes de l'exclusion de l'amazighité dans l'Etat marocain ainsi que les conséquences de cette exclusion sur la culture, la langue et l'homme amazigh
( berbère). Elle préconise également ce qui doit être fait pour que cette situation change.
Cette plateforme est une base de réflexion pouvant servir de canevas pour un débat qui peut déboucher sur un projet de société démocratique où l’amazighité retrouve ses lettres de noblesse sans devenir à son tour exclusive.
« Option amazigh » se porte bien. Certains lui reprochent de ne pas aller assez vite. Mais les temps qui courent donnent raison à leur approche. Depuis quelques mois, Option s’est ouvert à d’autres cadres et militants Imazighen (Berbères) et démocratiques. Ils ont créé une société d’édition dans la perspective d’éditer un journal qui refléterait leur vision de la démocratie au Maroc. D’autres projets sont aussi prévus : films, documentaires, éditions de livres, etc…
Dans son état actuel, « Option Amazigh » explique comment l’exclusion de l’amazighité a été une entreprise politique délibérée et non un accident de l’histoire.
Elle explique aussi la gravité de cette décision criminelle au vue de ses conséquences sur tous les plans : identitaire, (personnel, collectif), culturel (échec de la politique éducative) économique (sous développement) et politique (absence de démocratie), mais aussi géostratégique (Unité de Tamazgha ) face aux autres regroupements régionaux.
Pour Ali Khadaoui, le véritable ennemi de l’amazighité c’est l’ignorance et la pauvreté. Et les deux sont liées. Dans ce sens, l’action du Mouvement Amazigh a été lente eu égard aux défis à relever avec des moyens rudimentaires face aux arsenaux du pouvoir.
Malgré la limite de leur approche d’intellectuels, Ali trouve réconfortant de voir que la conscience amazigh s’est développée considérablement, au point que des détracteurs d’hier adoptent aujourd’hui les mêmes revendications que le Mouvement Amazigh : à savoir l’identité amazigh du Maroc et l’officialisation de la langue tamazight dans la constitution en cours de révision.
( La langue berbère est officielle dans la constitution de 2011, mais cette officialisation est soumise à la promulgation de lois organiques…En Janvier 2016, ces lois ne sont pas encore promulguées !)
Le Mouvement Amazigh fait partie du Mouvement du 20 Février qui réclame justement une monarchie parlementaire et une constitution démocratique où l’amazighité retrouve tous ses droits dans une société citoyenne et respectueuse des Droits de l’homme.
Les 09 et 10 Janvier 2016, à Bouznika, Ali participe à la création du Collectif Amazigh, une organisation qui regroupe toutes –ou presque- les associations berbères indépendantes au Maroc afin de constituer une coalition qui pèse sur les décisions des partis et de l’Etat en faveur de la berbérité.
Ali Khadaoui le peintre :
Ali Khadaoui est venu à la peinture pour l’amour des couleurs et de la lumière, mais aussi par nécessité d’exprimer l’inexprimable en mots.
La peinture lui apporte une paix intérieure par l’oubli du temps qui passe.
Un plaisir qui le replonge dans une enfance qu’il ne veut pas quitter.
Ses thèmes majeurs sont : l’amazighité, la femme, l’amour et la mort.
Isabelle
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