Hedjila Mezièche : Berbère jusqu'au bout des doigts
Hedjila Mezièche, artiste, fait partie des personnes intarissables lorsqu’il s’agit de parler de sa culture, de son village, de son identité… Tout son être bien ancré grâce à ses solides racines berbères. Nous allons découvrir son rapport avec l’art et ce qui l’anime.
Hedjila quelles sont vos sources d'inspiration ?
Je m ´inspire de la femme en général et de la femme kabyle en particulier. Elle est le pilier de la famille et de la société. La femme est la fierté de la Kabylie. Elle occupe une place cardinale dans la sauvegarde et la transmission de la culture berbère. Une mission qu'elle a bien su remplir malgré les difficultés quotidiennes auxquelles elle avait à faire face, sans oublier le passé trouble et ensanglanté de la région durant la guerre de libération . Tous les témoignages historiques ne font que rappeler les mérites de la femme kabyle dans la lutte et la résistance.
Aujourd'hui une pensée pour les femmes n'est qu'un rappel au devoir de mémoire et de respect. En particulier, ma grande mère, elle reste un symbole de courage pour moi. Elle était l'enfant digne de ses ancêtres, sœur aimée et appréciée par ses frères , épouse, mère puis grand mère dévouée à sa famille. Combattante pendant la guerre de libération malgré sa condition, blessée par un obus, résistant à la torture dignement et courageusement , orgueilleuse et fière elle s'avait l’être, ayant beaucoup de modestie et d’humilité... Tous les mots ne peuvent la décrire.
C ‘est Yemma Tassadit... Je tiens de son courage.
Ma propre pensée vise une femme en particulier aussi, celle qui est à l'origine même de tout cela. Une femme, un symbole, une histoire, un combat, une maman ; maman, Yemma ta3zizt, ma chère maman.
Ma mère est à mes yeux la femme la plus particulière au monde. Une maman qui a veillé à ce que ses enfants ne se détachent jamais de leur arbre familial, que la tradition suive son cours. Elle nous a inculqué l'amour de la Kabylie, de la liberté de la poésie, elle nous a appris à manier le verbe en ses histoires que je raconte toujours. Elle était et restera toujours ma muse.
Quel est votre support préféré et pourquoi ?
C’est dans l'art que réside la vie et c'est dans lui même que s'estompe a jamais l'éternité.
Je fais de la poterie mon art préféré. Ma sensibilité et mon imagination sont mes atouts inséparables, nécessairement unis et en parfaite harmonie pour venir au secours de l'intelligence et la finesse dans l'élaboration d'une sculpture.
A vrai dire, ce n'est pas l'intelligence qui fait de nous des artistes mais c'est l'intelligence qui nous regarde faire de l'art. Cette intelligence qui cadre, redresse, guide et oriente inlassablement l'œuvre vers la perfection. Sans elle, il y aura à coup sûr que désordre et anarchie et toute réalisation s'avérera dans ce cas impossible. La sensibilité forge l'artiste, sans elle, l'artiste sera une coquille vide, fade et amère.
Pouvez-vous citer quelques pièces que vous avez créées ?
J’ai créé pas mal de modèles mais je laisse les photos montrer leur adversité.
Mes œuvres artistiques sont diverses et viennent selon mon imagination et mes créations.
Je ne réalise pas mes œuvres pour me vanter ou parler de moi, ni pour devenir une célébrité, par contre je rends hommage à ma culture kabyle qui est ma fierté.
Je suis restée toujours attachée à ma culture kabyle, malgré mon éloignement du pays et je suis aussi déterminée pour la sauvegarde de ma culture et je ne mâche jamais mes mots lorsqu’il s’agit d’exprimer mes convictions sacralisées.
Je consacre la plupart de mon temps à ma langue maternelle, qui est la langue kabyle et les caractères Tifingah.
Quel matériel utilisez-vous dans votre art ?
Je travaille principalement avec de la terre ou l'argile.
La femme kabyle a toujours travaillé l'argile, elle confectionnait des poteries et ustensiles à usage domestique.
Pour faire simple, si on veut travailler à la plaque, deux tasseaux, un gros rouleau type rouleau à pâtisserie, de l'eau, une éponge, et un couteau suffisent… Ah oui, j'oublie, le fil qui sert à décoller la création du plan de travail sans l'abîmer ! Le meilleur instrument reste les doigts. Le reste viendra pour des réalisations spécifiques, modelage ou tournage, et pour la déco. Une fois finies mes belles créations, je laisse sécher longtemps à température ambiante. Je peux aussi les faire cuire, voire les émailler.
Votre art est-il un loisir ou votre travail ?
Je suis assistante maternelle c'est un métier où l’on n’a pas le droit de ne pas aimer, un métier noble où l'amour règne. Mon rôle consiste à apprendre des choses aux enfants, mais aussi à mettre en place un environnement qui soit à la fois stimulant, rassurant et sécurisé pour leur permettre de faire leurs propres expériences, apprendre par eux même et acquérir une réelle autonomie.
Ma philosophie éducative en tant qu'assistante maternelle se base sur le respect et l’autonomie de l’enfant. (Apprends- moi à faire tout seul).
Sinon mon art est une sorte d'évasion ou un endroit d'expression où je communique avec moi même.
Comment s' est fait votre rencontre avec l’art ?
A vrai dire, on ne devrait nommer « art » qu’un produit issu de la liberté c'est-à-dire un vouloir fondant ses actes sur la raison. Une image offerte par la vie nous apporte en réalité en ce moment là des sensations multiples et diverses.
Avec l’art on peut créer des événements tristes ou heureux …
Que dirai-je de ma rencontre avec l’art, moi qui suis née dans un village d’artistes peintres qui ont embelli et transformé notre village en un bijou. Parmi eux : Tahar Houri Belaïd et Lyazid Chikden, et les chanteurs, parmi eux je cite : le groupe Awal créé par « Aouchiche Arezki et Mezieche Idir » , le groupe Tilawt créé par « Amokrane Chikdene Houri Belaid et Mezieche Khellaf ». Les Frères Houri dont « Tahar et Belaid » , le chanteur Zayen .
Dans le domaine du théâtre on retrouve l’humoriste Khaled Boukhenoufa sans oublier de citer Abdelkader Aouchiche qui a fait de la photographie son loisir et qui a su garder un trésor inestimable de ce beau village à qui je rends hommage.
Comme je rends aussi hommage aux organisateurs, notamment l’association Tighilt et le comité du village Lemsella qui célèbre chaque année la fête de la figue pour la sauvegarde du patrimoine de notre village. Ce village qui a bercé mon enfance dans l'art « Lemsella » situé à Illoula Ou Malou. Être descendue d’une famille d’artiste dont je suis fière en particulier de mes grands frères : Idir, Ahmed et Khellaf qui m’ont beaucoup inspiré par leurs œuvres et ainsi je me suis enracinée dans ce beau domaine.
Un aperçu d'autres créations d'Hedjila Mezièche dans le diaporama ci-dessous.
Pour conclure, Hedjila Mezièche tient à dédicacer ses oeuvres pour ceux qui ont sacrifié leur vie pour Taqvaylit.
Contact : Sahoui_h@yahoo.fr
Isabelle
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