Gestes de femmes kabyles autrefois
On ne saurait parler de la Kabylie sans évoquer ses femmes qui ont eu un rôle important dans la société kabyle.
Elles étaient à la fois gardienne et transmettrice du patrimoine.
Ce sont elles qui véhiculaient le savoir faire, qui pérennisaient les traditions ; soit par leurs gestes au cours de leurs activités, soit par le biais des contes, devinettes, proverbes, danses, mais également les chants.
Marguerite Taos Amrouche, pour ne citer qu'elle, a contribué à la sauvegarde de ces chants qui accompagnaient le kabyle du berceau à la tombe.
Tous les gestes et activités des femmes étaient accompagnés de rituels et
les savoir -faire ancestraux, transmis inlassablement de mère en fille.
Il est important de fixer ces activités sur divers supports , car ces gestes et paroles ont traversé plusieurs générations, par respect pour tous ceux qui ont fait vivre la tradition kabyle, qui ont fait que ce peuple soit encore là aujourd'hui, malgré toutes les tentatives de déstabilisation.
La femme kabyle n'avait pas une minute à elle, cette dernière était toujours occupée.
D'une part par les tâches domestiques (barattage pour le beurre, préparation de la galette, mouture du grain ou légumes secs pour la galette, ménage, lessive à la rivière ou près d'un torrent, puisage d'eau à la fontaine, traite des vaches ou chèvres, préparation des repas, tissage, soins envers ses enfants, bien souvent nombreux, ) etc.. Ces activités suivaient le rythme des différentes saisons.
J’ouvre une parenthèse sur le puisage de l’eau à la fontaine :
La femme kabyle devait aller chercher l’eau à la fontaine ceci quelque soit les conditions climatiques. La fontaine n’était pas forcément près de sa maison, elle posait alors sur son dos une grosse jarre accrochée par des cordes et se rendait ainsi, parfois pieds nus, jusqu’au point d’eau.
Elle empruntait des chemins escarpés en pente, elle devait faire attention où elle posait ses pieds et ne pas perdre
l' équilibre afin de ne pas chuter, ni casser sa jarre.
Une fois arrivée à la fontaine, elle puisait l’eau, en profitait également pour échanger avec d’autres femmes.
Une fois la grosse jarre remplie, elle devait à nouveau la hisser sur son dos. Je vous laisse imaginer le poids, le déséquilibre que ça pouvait entraîner et les cordes qui devaient lui scier les épaules et le ventre, selon le moyen de maintient de la jarre.
Vous l’avez sûrement deviné, les chemins en pente empruntés à l’aller, il lui fallait les remonter et cette fois avec la lourde charge de la jarre, celle-ci était était parfois posée sur la tête.
La femme kabyle fabriquait également ses propres poteries, dans la plupart des cas à usage domestique.
Il faut savoir que dans le domaine de la poterie, la femme faisait tout de A à Z, c'est-à-dire de l'extraction de l'argile jusqu'à la cuisson des poteries (extraction, mise en forme, cuisson, décoration).
Il est utile de mentionner également que la femme kabyle s'occupait de l'aménagement intérieur de la maison. Elle crépissait les murs, elle aplanissait le sol, construisait les ikufan (jarres à provision, pour fèves, figues, blé..).
C'est aussi la femme qui chantait, bien souvent pour se donner du courage pour
accomplir ces nombreuses tâches, mais aussi pour rythmer la vie.
Elle narrait aussi les contes, lors des veillées, ou même en continuant à accomplir une tâche, plongeant ainsi ses enfants dans un monde où se croisaient, le bon, le méchant, le juste, l'ogresse, l'orphelin, les animaux etc….
Ces contes étaient un moyen d'évasion, mais ils avaient également un rôle moralisateur.
La mère ou la grand-mère proposait également les jeux de devinettes, d'énigmes, uniquement le soir venu, comme le veut la tradition.
La femme kabyle participait également aux travaux agricoles, jardinage, ramassage du foin, du bois pour se chauffer et pour le kanoun, elle s'occupait aussi de la récolte des
olives, du séchage des figues etc...
Ainsi on peut dire quand la journée d'une femme kabyle s'achevait, c'était un repos
bien mérité qui l'attendait.
Ce texte est un survol rapide des différentes occupations qui rythmaient la vie de la femme en Kabylie, probablement j'aurais l'occasion de revenir plus en détails sur quelques-unes de ces activités. Certains de ces gestes sont encore d'actualité, comme la cueillette des olives.
Je rajouterais juste que lorsque ces femmes avaient un époux pas facile à vivre ou qu'elles avaient dû épouser à contre cœur, cette vie laborieuse étaient encore plus pesante, sans compter aussi la présence d'une belle -mère et / ou de co-épouse qui ne facilitait pas forcément les choses.
En espérant que les savoir-faire ne disparaîtront pas, il est évident que l'on ne peut cantonner la femme dans le domaine domestique, la société doit évoluer tout en préservant son patrimoine culturel. La femme doit être considérée comme un être humain dans son intégralité et certains hommes ne doivent plus la rabaisser au rang de femme objet.
En ce 8 mars, souhaitons que les femmes et les hommes soit égaux dans leurs droits, qu'un jour proche la femme algérienne soit libérée du code de la famille ; et que l'on n'entende plus ce fameux " normal".
Isabelle.
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